LES YOGA SUTRAS (aphorismes) DE PATANJALI constituent la présentation la plus exhaustivede la philosophie du yoga.

LES YOGA SUTRAS (aphorismes) DE PATANJALI constituent la présentation la plus exhaustivede la philosophie du yoga.

C’est d’eux que s’inspirent (entre autres) aussi bien l’approche de yogacharia B.K.S. Iyengar que celle du Yoga de l’ Énergie… donc la mienne aussi.

Ils visent à la totale purification du mental et, s’ils peuvent paraître proposer une voie progressive, il n’en reste pas moins que tout est là dès le début, de tous temps et pour toujours.

PATANJALI demeure un personnage mystérieux.

Dans ses commentaires sur les Yoga Sutras « Light on the Yogas Sutra of Patanjali » , yogacharia B.K.S. Iyengar nous dit:

« Historiquement, Patanjali semble avoir vécu vers 500 ou 200 ans avant J­C. Mais l’essentiel de ce que nous savons de lui vient de légendes: Il est considéré comme un svayambhu, une âme évoluée qui a choisi de se réincarner pour aider l’humanité. Il a revêtu une forme humaine pour expérimenter nos joies et nos peines et apprendre comment les transcender. Dans les Yogas Sutras, il décrit les moyens de dépasser les tourments du corps et de l’esprit, obstacles à l’évolution spirituelle.

« Ses propos sont directs, originaux et traditionnellement considérés comme d’inspiration divine. Plus de vingt siècles plus tard, ils sont toujours actuels, fascinants, universels et complets. Ils le resteront sans doute pour les siècles à venir. En 196 aphorismes, ou sutras, il traite de tous les aspects de l’existence, commençant par un code de conduite éthique pour finir par la vision de notre véritable nature. Chaque terme des sutras est d’une extrême concision et précision; chargé de sens. De même que la moindre goutte de pluie participe à la formation des océans, tous recèlent réflexion et expérience et sont indispensables à l’ensemble.

« Patanjali n’a pas traité que du yoga, mais aussi de grammaire et de médecine. Les Yogas Sutras sont son oeuvre maîtresse, la distillation de la connaissance humaine. « 

Patanjali définit le yoga comme visant à la « cessation des vagues du mental » ou à sa totale purification.

Ainsi, sur ce chemin de connaissance, ce n’est que dépouillé de l’héritage du passé, du vécu, des imprégnations culturelles, des idées reçues, des savoirs, justes, faux, imaginaires, etc., que le mental peut refléter la réalité telle qu’elle est, par une perception directe, au-delà de l’intellect et des sens et, bien sûr, des « j’aime, je n’aime pas » de l’ego.

Toute la démarche yoguique -aussi bien dans ses techniques psychologiques (yamas, niyamas), corporelles (asanas), respiratoires-énergétiques (pranayama), sensorielles (pratyahara), que mentales (dharana, dyana, samadhi)- tend à purifier l’esprit de ses conditionnements pour nous rendre à notre nature originelle, décrite comme.

Existence pure, conscience, béatitude -Sat, chit, ananda-  gage d’une félicité totale, éternelle, inconditionnée.

C’est la libération ou samadhi.

La libération de ce monde conditionné dans lequel l’expérience, entachée d’ignorance, oscille constamment entre plaisir et souffrance, du fait même de l’impermanence de toute chose dans la vie, à commencer par la notre, pauvres mortels. Impermanence qui implique nécessairement désillusion et frustration : « Pour le sage, en ce monde, le plaisir même est insatisfaisant, car il sait qu’il va finir ».

La libération, c’est aussi, selon Patanjali, l’union (Yoga) à Dieu ou, selon nos convictions personnelles, à l’Énergie créatrice, ou cosmique, ou à la Nature, ou à cette Force supérieure à laquelle nous participons et aspirons tous, souvent sans le savoir.

La libération, c’est encore la sortie de l’ignorance, cause fondamentale de la souffrance.

Un chemin en huit étapes, ASHTANGA YOGA

Parmi tous les autres moyens habiles qu’il énumère, Patanjali trace un chemin en huit étapes,
ASHTANGA YOGA, le yoga des huit membres (ashta, huit, anga, membre), ou les huit piliers, étapes, du yoga.

« Tels des perles enfilées sur un fil, ils forment un précieux collier, un diadème de connaissance fulgurante. Comprendre leur message et le mettre en pratique permet la transformation de tout l’être en une personne hautement cultivée et civilisée, rare et bénéfique. » (Sri B.K.S. Iyengar)

1. Les cinq Yamas,
l’art de vivre en société, l’éthique, ces moyens habiles, ou actions justes, grandes lois universelles, non liées à l’époque ou au lieu. Ils témoignent du respect de soi-même et d’autrui et initient à cette dimension fondamentale qu’est la compassion, l’amour inconditionnel et universel.

Brièvement résumées, ces cinq règles de vie sociale comprennent :

  • Ahimsa : la non-violence, le respect et la protection de toute vie.
  • Satya : la vérité, la parole juste, allant de la vérité à l’abstention de tout bavardage futile, source trop souvent ignorée d’agitation mentale.
  • Asteya : le respect de la propriété d’autrui, allant jusqu’à ne pas s’approprier ce qui ne nous a pas été donné.
  • Brahmacharya: pour l’homme du monde, une conduite sexuelle consciente, respectueuse d’autrui et établie dans une relation à long terme.
    Pour le renonçant, l’abstinence complète, destinée à transcender l’énergie sexuelle en énergie spirituelle.
  • Aparigraha : la sobriété, c’est-à-dire le voeu de ne pas consommer plus que ses besoins et de s’abstenir de ce qui trouble l’esprit, comme les drogues, dont l’alcool. A ce chapitre et pour notre époque, le maître vietnamien Thich Nhat Hanh ajoute la modération dans ces médias et écras qui envahissent notre vie, internet, presse, radio, télévision, etc.

    Exprimés différemment, les cinq yamas recoupent donc notre décalogue. se résument en

2. Les cinq Niyamas,
l’art de vivre avec soi-même, les qualités personnelles à retrouver en soi. qui sont les antidotes de nos défauts.

  • Saucha : pureté (de la pensée, des actes, des actions).
  • Santosa : contentement. Désire tout ce que tu as et tu auras tout ce que tu désires.
  • Tapas : discipline, ce feu qui consume notre vieille nature obscure et ignorante. Ardeur spirituelle, intrépidité joyeuse sur la voie. 
  • Svadhyaya : étude de soi à travers les textes sacrés, pour retrouver son maître intérieur.
  • Isvara Pranidhana : abandon à Ishvara, Dieu ou conscience suprême ou confiance dans le Mystère, dans le présentiment d’un au-delà toujours présent.

    Bien comprises, vécues non dans l’austérité, mais dans la joie de l’amour pour soi et les autres qu’elles génèrent, ces deux premières étapes initient l’apaisement du mental en nous permettant de vivre consciemment passions et instincts sans plus en être les jouets. Plus que les asanas et le pranayama, qui sont là pour nous donner la force de les respecter, ce sont elles qui permettent les premiers changements réels dans notre quotidien.

    Notre vie devient vertueuse, non au sens moral, mais dans la mesure où nous apportons du bien. 

Yamas et Niyamas peuvent se résumer par :
« Vie simple, pensée élevée » ou « Be good, do good »

3. Asana,
les postures, qui purifient le corps pour en faire un bon serviteur plutôt qu’une source de tourments et qui ramènent l’esprit, si souvent ailleurs dans l’espace et le temps, dans l’ici et maintenant de la réalité des sensations.
Que ce corps redevienne le temple de l’esprit.

4. Pranayama,
purification de prana, l’énergie, par le biais de la respiration et de l’attention. Mais une respiration autrement plus puissante et subtile que celle qui nous habite ordinairement et caractérisée par de très longues apnées; et une attention sans commune mesure avec celle que nous connaissons, capable de réveiller et d’harmoniser les énergies dans tout l’être.

5. Pratyahara,
retrait, intériorisation ou maîtrise des sens

Ces cinq premières étapes allègent considérablement, mais pas totalement encore, les contraintes du monde extérieur pour nous permettre de plonger avec infiniment moins de distractions à l’intérieur de nous-même. De nombreux voiles du mental sont tombés, laissant poindre toujours plus l’Homme authentique.

Le yoga est le plus souvent connu sous l’appellation de Hatha-Yoga. 
Ha signifie soleil et symbolise l’énergie créatrice, réalisatrice, masculine, etc. Tha veut dire lune et symbolise l’énergie réceptive, féminine, l’intelligence profonde, la sensibilité, la faculté d’intériorisation, etc. Le terme yoga vient de la racine sanscrite yuj  – lier, unir, attacher, atteler sous le joug ou diriger et concentrer son attention, ou encore utiliser et mettre en pratique.

Hatha-Yoga signifie donc union du soleil et de la lune, soit équilibre des énergies et qualités qu’ils symbolisent.

Les cinq premières étapes décrites jusqu’ici constituent la phase évolutive, solaire, Ha. Elles font culminer l’être au sommet de ses possibilités d’action. La phase involutive, lunaire, Tha, peut alors être abordée plus radicalement avec les trois dernières étapes, souvent regroupées sous l’appellation de Raja Yoga., le Yoga royal, le yoga de l’Esprit.
 » Le corps est le fondement de notre croissance spirituelle. Mais non sa fin. Continuez à vous élever toujours plus vers la joie suprême, celle de l’âme « . (Amrit Desai).

La quête de la connaissance illuminante, de la paix et de la joie se poursuit dès lors à travers:

6. Dharana,
la concentration, décrite comme un flot de conscience toujours plus continu sur l’objet d’attention choisi, qu’il soit souffle (le plus fréquemment), flamme de bougie, mantra (répétition d’une syllabe – OM par exemple – ou d’une sentence sacrée), perceptions sensorielles (images, contacts, sons, odeurs, goûts), sensations émotionnelles ou psychiques, ambiances intérieures, pensées, centres d’énergie, ou autres.
Ainsi concentrée, l’attention rencontre de moins en moins de fluctuations. Celles-ci sont toujours plus courtes et toujours plus vite repérées.

Quand la concentration ne connaît plus de distractions elle entre en :

7. Dhyana
méditation. A ce stade, l’observateur est encore conscient de lui-même. Il garde la notion d’une séparation, d’une dualité entre l’observateur et l’observé.
La méditation s’approfondissant, l’esprit accède à un nouvel état, samyama, la perception directe, irradiation de la conscience mentale par la lumière de la spiritualité, qui offre la réalisation que toute chose s’apparente à la même Énergie créatrice, que nous ne sommes pas des individus séparés, isolés, que nous participons de manière à la fois insignifiante et essentielle au jeu de l’Univers. L’ego est alors pratiquement aboli, de même que les imprégnations du passé (vasanas). Un être neuf se profile pour naître, ou plutôt renaître, à sa nature originelle, parfaite. La métamorphose sera parachevée au cours de l’ultime étape, elle-même divisée en plusieurs aspects :

8. Samadhi,
purification définitive du mental, libération des contraintes de ce monde, union à Ishvara (Dieu) ou au Tout, connaissance suprême (antidote de l’ignorance, cause première de la souffrance), nirvana, bonheur hors de toute cause ou condition.
Paix, Joie, Harmonie véritables.

Kriyayoga

Patanjali souligne dès le début du chapitre dédié à la Sadhana, la pratique, que pour s’y engager avec succès il convient d’avoir déjà abordé le développement de trois qualités regroupées sous le terme de : Kriyayoga

  • La discipline (tapas), en rapport avec la volonté.
  • L’étude profonde des textes de sagesse relatifs au yoga (svadhyaya), en rapport avec la sagesse.
  • L’abandon à Isvara, Dieu ou Conscience suprême (isvara pranidhana), en rapport avec les émotions.

On pourrait résumer ce cheminement comme un raffinement toujours plus poussé, mais harmonieux, naturel, organique, de l’attention, qualité essentielle : d’abord tournée vers l’art de vivre (Yamas, Niyamas), elle se développe dans l’observation du corps (Asanas, Pranayama, Pratyahara) pour se parfaire en s’absorbant finalement exclusivement dans la contemplation de l’esprit (Dharana, Dhyana, Samadhi).

Il faut souligner, que la carte n’est pas le paysage. Que ces techniques ne sont que des exercices, que des formes. Qu’elles ne sont pas la connaissance même, mais indiquent simplement la voie du travail personnel.

« La pratique ne peut se faire qu’au fond de votre coeur ».

Il y a là une difficulté majeure, tant il est vrai que la plupart de ces notions correspondent à des états de conscience qui nous sont encore inconnus et qu’elles restent abstraites tant qu’elles ne sont qu’intellectuelles. Pourtant, pour qui affermit sa motivation, développe son ardeur spirituelle, elles éveillent une voix intérieure qui en fait pressentir la vérité.

Vulgarisation

Il est important aussi de se rendre compte de la vastitude de ce cheminement; comme il est bon de se rappeler qu’il n’était proposé à l’époque qu’à quelques êtres d’exception qui, lorsqu’ils l’entreprenaient, étaient prêts à renoncer joyeusement au monde, à se mettre aux pieds de leur guru (celui qui disperse les ténèbres) pour étancher leur soif de connaissance et d’absolu.

Les temps ont changé. Le yoga est maintenant proposé à tout un chacun. Et bien heureusement, car il est un bienfait pour l’humanité. Qui plus est, le plus souvent, ceux qui le présentent ne sont pas des maîtres, mais des professeurs qui n’en ont qu’une connaissance, sincère, espérons-le, mais partielle. Enfin, les pratiquants n’ont que très exceptionnellement cette motivation radicale des premiers temps. Mais qu’ils se mettent en chemin pour toutes sortes de raisons moins glorieuses certes, mais parfaitement valables (mal de vivre, insomnie, nervosité, maladie, remise en forme, remise en question, etc.), le « miracle du yoga » persiste, en ce sens qu’une démarche bien conduite épure et transforme naturellement ces motivations terre à terre des débuts en une quête toujours plus enthousiaste de la Vérité.

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